LA MAISON DES FEMMES DE PARIS

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INTRODUCTION

 

 

Le terme de « tournante » laisse perplexe un certain nombre de femmes et de féministes.

 

Nous avons pris le parti dans cette recherche d’adopter le point de vue des agresseurs pour mieux comprendre le phénomène. Le terme « tournante » existe dans le langage courant, donc il signifie « quelque chose » de particulier. L’usage du mot est significatif d’un état d’esprit qui permet de décrire le phénomène, donc un ensemble de contextes qui créent les conditions d’existence de ce phénomène. Nous entendons par phénomène un type d’action qui met en présence des acteurs, des réseaux, des conduites et des motifs qui poussent les auteurs à agir. On sait que la recherche des raisons qui poussent les auteurs à agir permet de rendre un objet d’étude singulier, donc spécifiquement rattaché à des pratiques propres à un groupe d’acteurs qui ont en commun de partager une certaine vision du monde à un certain moment donné de leur histoire de vie. Il nous appartient de trouver le contexte général auquel le phénomène se rattache et de délimiter le champ d’action qui rend ce phénomène particulier. Le fait de nommer une action et des acteurs est significatif d’une prise de position sur le monde ; le fait de prendre en considération la nomination « tournante » permet de faire un état d’une société.

 

Ce que les auteurs d’une tournante désignent communément par « tournante » est le fait de « faire tourner » une femme entre différentes bandes d’hommes, au gré de leur bon vouloir, comme on fait tourner un joint de façon conviviale entre différents individus invités à un moment festif. Car il s’agit bien, pour les agresseurs, d’un moment de fête au cours duquel une femme devient un objet déshumanisé, une marchandise qui n’appartient plus à personne, un service rendu qui devient le prétexte à se rencontrer, entre hommes, pour une histoire d’hommes. Cet objet s’échange, se prête, se négocie et enfin se rejette. Il redevient personna lorsque la femme décide de sortir du jeu, c’est-à-dire le jour où elle dit non, donc le jour où elle retrouve son identité de femme.

 

Le phénomène de la tournante est complexe : il croise les variables que sont le viol, l’exploitation sexuelle (prostitution et pornographie) et la violence conjugale. Une femme subit physiquement et psychologiquement un viol collectif ; dans le phénomène de la tournante, la violence froide (psychique) est au cœur du dispositif permettant au phénomène même d’exister. La violence psychique faite par un homme à une femme devenue tournante est suffisamment forte pour que la femme accepte de se rendre à des rendez-vous, avec d’autres hommes, alors qu’elle sait pertinemment qu’elle subira des violences sexuelles. Elle n’est pas rémunérée, ni séquestrée mais manipulée à petites doses de façon régulière et calculée. La plus grande forme de manipulation est l’amour, lorsqu’il devient pervers ; la plus grande forme d’acceptation est la peur. Des hommes disent qu’une femme devient tournante parce qu’elle est « facile » et qu’elle « aime ça » ; elle répond que si « elle l’a fait » c’est qu’elle avait confiance, qu’elle ne savait pas et que maintenant elle a peur.

 

On peut considérer que la femme dite tournante est une femme qui a été violée dans la mesure où elle a été forcée par un tiers à adopter un certain type de comportement sexuel, comportement qui se caractérise par le fait d’avoir intégré un réseau dont le premier violeur ou amant (dans le cas d’une situation de non-viol au départ) a été l’initiateur de l’histoire qui a rendu une femme « tournante ».

 

On « est » violé alors qu’on « devient » tournante, cette distinction entre le fait d’avoir subi un acte ponctuel même à répétition et celui d’entrer dans un processus évolutif qui intègre la notion d’exploitation sexuelle (réseau de malfaiteurs, commercialisation du viol) caractérise le phénomène de tournante. Une femme qui est violée peut ne pas être une tournante, une femme dite tournante est une femme qui a été ou est violée.

Le viol est un des éléments de l’histoire de la femme dite tournante, en aucun cas le fait d’avoir été violée résume l’histoire de la femme devenue tournante.

 

Commençons par répertorier les différentes formes de violences faites aux femmes. Plus qu’une énumération, ce court répertoire est construit de façon pertinente, c’est-à-dire qu’il résulte d’une confrontation de concepts entre l’existant en matière de violences faites aux femmes et l’objet d’étude « tournante ». En ce sens, les différents domaines abordés ne sont pas exhaustifs. Un premier filtre est posé : celui des violences sexuelles. Elles ne suffisent pas à elles seules et de manière isolée à décrire le phénomène mais le croisement de chacune d’elle, à des dosages différents, permettra ultérieurement de délimiter le phénomène.

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Dernière modification : 26 novembre 2002