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Une sociologie de la jeunesse marginale

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III - UNE SOCIOLOGIE DE LA JEUNESSE MARGINALE

 

Le phénomène de la tournante est un problème de délinquance, donc de violence urbaine, qui concerne principalement les mineurs. Les processus par lesquels un jeune peut être conduit à adopter des comportements marginaux sont multiples. Le processus est le produit de plusieurs facteurs sociaux qui, combinés, génèrent des conduites « à risque » et des réponses à ces conduites (lois sociales et répressions). Quelques-uns de ces facteurs à risque sont : 1) la pauvreté ou une position sociale de classe moyenne enlisée dans un contexte défavorable à une ascension (donc productrice de tensions), 2) l’échec scolaire ou l’absence d’un diplôme professionnalisant, 3) l’espace mental et physique dans lesquels se déroulent la plupart des activités du sujet (lieu d’habitation, environnement familial, amical et professionnel). Enfin, la période qui caractérise l’état de jeunesse est marquée par la construction d’une identité dont la complexité et le résultat dépendent du processus par lequel elle se construit.

 

Pendant la jeunesse (âge de vie compris entre 15 et 25 ans selon la définition usuelle) l'identité se construit de manière conflictuelle dans le rapport à l'autre[1]. La « juvénisation » est un étirement de l'adolescence, un allongement des périodes de statuts transitoires qui retarde l'entrée dans la vie adulte. Tout se passe comme s'il y avait un retard ou un report du moment de « l'établissement » : allongement de la durée de vie, des périodes de formation, de l'entrée dans une profession sans oublier la station prolongée dans les statuts prématrimoniaux et préparentaux (retard de l'âge du mariage et report de la première naissance).

 

La question de l'avenir est une source d'angoisse et l'environnement affectif assure dans le meilleur des cas la survie économique et une stabilité affective. Du fait même de son manque d'expérience et de qualification professionnelle, le jeune est la plupart du temps non opérationnel sur le marché de l'emploi ou occupe des emplois précaires, ne nécessitant pas de qualification particulière. Associés à un contexte de précarité économique et de désaffiliation (notion empruntée à R. Castel pour signifier la rupture de lien sociétal), les troubles inhérents à une spécificité de génération peuvent entraîner certains types de comportements. La voie de la marginalité est une façon de trouver un remède à sa propre maladie en intégrant des groupes qui présentent les mêmes symptômes.

 

En dehors des mesures publiques mises en place pour favoriser l'insertion sociale des jeunes, l'environnement familial est considéré comme étant un vecteur de réussite ou d'échec. « La famille influence de deux façons l'insertion professionnelle des jeunes. D'une part, elle constitue un milieu culturel plus ou moins favorable à leurs performances scolaires. D'autre part, elle met à leur disposition un réseau relationnel qui, au moment d'accéder à l'emploi, contribue à faciliter l'insertion professionnelle notamment quand les deux parents ont un emploi » (INSEE, Économie et Statistique, « les trajectoires des jeunes : transitions professionnelles et familiales », 1995, p. 118). Le degré de maîtrise de la langue française des parents des jeunes immigrés et d'origine étrangère influence les performances scolaires des enfants, donc leur devenir sociétal.

 

L'instabilité et le poids du passé familial semblent aller de pair avec l'instabilité professionnelle sachant que la concomitance des deux variables, augmente le risque d'une pauvreté monétaire et des conditions d'existence. L'une des situations sociales des plus inconfortables réunit la somme des caractéristiques suivantes : un statut de célibataire isolé de tout contexte de solidarité interpersonnelle avec enfants à charge et une histoire de vie familiale ponctuée par des périodes de chômage et couplée de l'absence de scolarité de l'un des deux parents d'origine étrangère. Le ménage résiderait dans une agglomération urbaine et la personne de référence du ménage combinerait un problème de santé, une absence de qualification professionnelle et une situation d'inactivité ou de sous-emploi sur le marché du travail. Elle occuperait un emploi précaire (CDD, travail intérimaire, stages rémunérés, etc.) et/ou bénéficierait de mesures de protection sociale octroyées par les instances publiques.

 

Le processus de marginalisation est semblable à celui de l'exclusion, tous deux résultent d'un défaut d'intégration et de ce fait dépendent d'un protectorat social identique (le R.M.I.). L'absence de travail régulier provoque, en dehors de toute considération financière, un appauvrissement des supports relationnels et de ce fait un état d'isolement notamment lorsque l'environnement n'est pas régénéré par des activités orientées vers l'autre. Une spécificité de la marginalité juvénile est formalisée dans la notion de la galère. L'un des trois principes constitutifs de cet état est la rage ; soit un comportement qui se traduit par une violence avec ou sans objet, verbale ou non verbale.

 



[1]. « Connaître les modes de vie et de consommation des jeunes », Paris, Colloque Européen, 26-27 septembre 1991, au sujet de la question identitaire chez les publics jeunes.

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Dernière modification : 26 novembre 2002